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mercredi 30 juin 2010

[Deuxième version] Lemon tree

Je me sens si... tron pressé. On m'a toujours squeezée comme on presse un citron pour me dépêcher de tout donner, de donner tout et à tout le monde comme on étrangle un agrume à mains nues.

Citron pressé, c'est ça, citron pressé de grandir sans avoir le temps de découvrir, citron pressé d'apprendre en passant par les mailles du pressoir commun pour rester dans la chaine, roulant comme sur le tapis noir d'un supermarché vers un avenir déjà tracé, l'avenir du citron pressé qu'on presse au plus vite avant qu'il ne pourrisse pour ne pas perdre une seule goutte de sa jeunesse dorée.

Citron pressé de mûrir et d'être forte, citron pressé de tout savoir, de tout connaitre, citron pressé d'être belle, comme une Shiva à trois mille bras, trois cent à l'heure dans le presseur pour presser les citrons d'avoir une bonne situation et d'être heureuse et amoureuse... et puis aussi d'être sexy avec la peau qui pique mais qui attire aussi, citron pressé dans mon corps compressé, citron pressé d'aimer tous ceux qui m'ont serrée, caressée, écrasée, tirée tout le jus de mon coeur d'agrume citronné.

On m'a tellement citron pressé que j'ai l'amour amer au fond du verre. Plus de jus, plus de pulpe, mais pas mal de pépins, des pépins à foison et à vif et au fond de mon acide citron. On m'a tellement citron pressé que mon acide citrique est devenu nitrique, qu'il faudrait plus grand chose pour calciner les regards des presseurs trop pressés qui pensent pouvoir piquer mon écorce zestée.

Et puis voilà que tu t'amènes avec ta gueule de sucrier. De l'aspartam, j'en ai goûté mais là, je vois que c'est plus du chiqué. Tu remplaces mon acidité par plein de grains de poésie, disséminés un peu partout sur mes lèvres et puis sur toute ma vie. Tu te ramènes, des cristaux plein les yeux pour me tourner en limonade, tu me fais voir le monde avec des bulles dans les moindre détails.

Pourtant, rien n'a changé, mais le goût n'est plus le même. C'est la source qui s'est déplacée, d'un pH à un autre, de l'amer à la base.

Je suis venue te dire merci.

Parce que la poésie est entrée dans ma vie et que je vois le monde en rose Sugar Daddy. Et par toute cette prose, je recueille les morceaux et les recolle ensemble pour caraméliser le temps que je prends maintenant.

Je suis venue te dire au revoir.

Car je suis prête maintenant à raconter ce monde, à lancer des cristaux dans les yeux qui m'écoutent pour saupoudrer du haut de mon micro chaque citron qu'on presse trop.