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mardi 1 décembre 2009

Lethal & young

It's been fun destroying our bodies
It's been great just being together

Crash another car

Smoke another cigarette

And make love to all our favorites on the radio

Cause we don't know how to make it go

We were only told how to burn it down

And then skip town

So don't look so damn tragic

You knew this had to end

So don't look so damn tragic in front of your poor mother

She brought you here and now you have to stay, to stay

So be thankful that you're in love

Be thankful that you're in pieces

Cause baby it's a beggar being bitten by this bug

After all you're all young

You're all lethal and young.




Je croyais avoir vu le pire.
Mais il y a toujours, toujours plus monstrueux.
Mais je ne suis pas seule alors ça va.
Rien que pour ça, ça va.
J'apprendrai à présent à vivre pour du beau.
Je ne te laisserai pas détruire ça.
Je ne te laisserai pas...
détruire cette étincelle
détruire ces larmes là qui jaillissent de ma joie
de voir autour du moi du bon, du beau et du respect.

Et je ne suis pas seule, alors ça va.
Rien que pour ça, ça va.
Et je m'accroche à eux parce qu'ils sont meilleurs
Je me consacre à eux et commence à admettre
que peut-être
je peux y avoir droit
je peux y avoir droit.

Je ne serai pas seule et te suivrai des yeux
pour voir ton abandon.
Car je ne suis pas seule
mais toi tu le seras.
Alors ça va.
Rien que pour ça, ça va.




Crise mystique (once again)


* Fuck you for rejecting me by never being there, fuck you for making me feel shit about myself, fuck you for bleeding the fucking love and life out of me (...) but most of all fuck you God for making me love a person who does not exist. *

Je remonte le chemin à rebours de nous deux. Dans le noir je ne vois rien mais j'avance car je sais que tu es là-haut. Mon coeur bat trop fort, mes jambes me font mal, tout le poids de mon corps pèse sur la pente escarpée. Mais j'avance car je sais que tu es là-haut. J'avance entre les gouttes de sueur, les crampes et mon ventre trop vide, j'avance toujours plus vite, je grimpe, me griffe aux branches et tords mes pieds dans des trous. J'avance sans m'arrêter, j'avale les escaliers et les degrés du chemin de terre. Il fait noir mais j'avance, impatiente de te retrouver là. J'avance, je cours et je gaspille mes dernières forces mais j'avance encore car je sais que tu es là-haut, la tête levée vers la nuit, vers le scintillement des étoiles, les lumières de la ville. J'avance, je souffle et je respire, un pas après l'autre et je compte les derniers mètres. Dernières ligne droite, dernier enfer, dernière montée plus longue encore, dernier effort avant repos. Derniers pas avant toi. Quelques marches encore, quelques pas avant la-haut, dernier toi sur les hauteurs qui me surplombent. J'avance car je sais que tu es là. J'avance, j'y suis, je te cherche des yeux. Et tu n'es pas là. Tu n'es pas là.

Alors j'allume une clope et contemple la ville. Et la fumée s'envole vers un autre là-haut où tu m'attends sûrement. Où tu m'attends sûrement.

Et je ne sais pas, je me demande. Si j'aurais du monter plus vite, si j'aurais du reste en bas ou ralentir le pas.

Et je ne sais pas, je me demande. S'il faudrait cette fois que je m'écrase en bas pour te rejoindre là où tu ne m'attends pas.

mardi 24 novembre 2009

No man's land

* Bien avant qu'on se soit perdus
Bien avant qu'on n'ait rien gagné

Bien avant les coups de massue

Je savais déjà tout ce que je sais *



J'aimais beaucoup l'appartement de Malo. Suffisamment grand, clair, lumineux. Il y régnait une sérénité entre les murs blancs et vierges. C'était un endroit neutre, une parenthèse au milieu d'un quartier délabré, au milieu de ma vie en lambeaux. J'y posais mes valises et j'y oubliais tout.

Malo me proposait parfois de sortir prendre l'air. J'acceptais du bout des lèvres, pour lui faire plaisir. Mon air, c'était ici que je le prenais, entre ses affaires éparpillées, rassurée chaque fois que j'ouvrais les yeux sur un objet qui lui appartenait. Je n'avais plus peur car chaque parcelle de son salon me rappelait qu'il était là. Et même lorsqu'il était absent, il me suffisait de caresser son armoire pour me souvenir.

L'appartement de Malo n'était pas qu'un appartement. Il était Malo tout entier, sa partie pour son tout, ce qui restait toujours, tout le temps, le côté tangible de mon amour toujours parti.

Ce que je préférais, chez Malo, c'était sa fenêtre. Je pouvais y rester des heures entières, à faire semblant de regarder la rue étroite en contrebas, ou le chat du voisin couché sur la terrasse. Je faisais semblant, oui, parce que je m'en foutais bien de ces trottoirs miteux ou du chat du voisin. J'attendais que Malo me rejoigne, qu'il se colle à mon dos pour devenir mes ailes, qu'il m'embrasse et me dise qu'on pouvait partir, tout les deux, qu'on n'avait plus besoin de son appartement pour s'y aimer, se retrouver, et que je n'aurai plus à m'accrocher au lit parce qu'il serait toujours à mes côtés, qu'il serait la partie pour le tout, le tout pour la partie, qu'il serait à présent par son corps l'architecture et par ses mains mes parenthèses.

Malo ne m'a jamais rejointe au bord de la fenêtre.
Et chaque fois qu'il claquait la porte sur mon no man's land, un séisme brisait ma colonne vertébrale et fissurait l'argile qui recouvrait ma vie.

lundi 23 novembre 2009

Déchet

Je me souviens de tous les détails.

Les murs étaient blancs mais à bien y regarder, là, à la jointure au niveau du plafond, on pouvait voir que la peinture avait jauni. Je me souviens m'être dit que sans doute il fumait. Il y avait aussi une fissure dans le coin gauche de la pièce. Elle devait être longue ; il l'avait maladroitement cachée sous un poster d'Iron Maiden, mais les dernières fourches de la cassure grimpait jusque là-haut.

Quoi d'autre encore?

Le ciel. Gris. Sombre. Une fin d'après-midi d'hiver. Il avait fait moche toute la journée et je voyais par la fenêtre la lumière tomber de plus en plus. Il devait être dix-huit ou dix-neuf heures. Et je ne savais pas depuis combien de temps j'étais là. L'horloge au-dessus de la porte ne marchait plus ; la grande aiguille butait irrémédiablement contre le douze, comme agitée d'un tic nerveux.

Je me souviens encore de l'étagère au-dessus de ma tête. Je voyais les livres, couchés à l'horizontal, et je devais me concentrer pour lire les titres à l'envers. Quelques mangas. Un classique. Rousseau, je crois. Une nouvelle d'Henri Miller. Je n'ai pas d'à priori, d'habitude, mais cette fois j'ai été surprise.

Il y avait aussi une ampoule qui pendait au bout de fils électriques dénudés. Des bouts de scotch sur un mur. Des gros cartons, au dessus de l'armoire, barré d'un autocollant "Fragile". Une page de magazine, grossièrement arrachée et placardée près de la fenêtre. Un clou. Des écailles. Du vide.

Je me souviens de tout, voyez-vous. Je me souviens surtout de sa peau rêche.

Je leur ai tout dit, tout ça. Donné tous les détails, toutes les informations. Mais ils m'ont répondu que ce ne serait pas suffisant pour l'arrêter.

vendredi 20 novembre 2009

Versus - Rodrigo Garcia

* Petit extrait d'une pièce avant de partir en week-end post-traumatique *

On peut tomber amoureux de n'importe qui n'importe quand. Ce qui discrédite l'idée romantique que l'on se fait de l'amour.

C'est un besoin qu'il faut assouvir, comme la soif.

La tâche de l'amoureux est alors double : se supporter lui-même et l'autre aussi, mais il semble que ce soit plus tolérable que de vivre sans amour.

L'amour est tellement important, tellement nécessaire, que peu importe l'autre. L'amour exclut l'être aimé. L'amour s'impose comme quelque chose d'abstrait, et on se fiche de savoir qui on aime.

Quand on marche dans les ténèbres, on s'accroche au premier rayon de soleil venu.

Quand tu es dans la dèche, tu ne fais pas la fine bouche, tu sors et tu chopes ce que tu trouves.

Reste ensuite à s'auto-convaincre : te dire à toi-même que c'est de l'amour et que cette personne sur qui tu es tombé et que tu as fait entrer chez toi est effectivement un rayon de lumière.

Dans 90% des cas, on découvre en moins de 72 heures qu'en fait cette personne n'était pas vraiment ce qu'on pourrait appeler un "rayon de lumière".

Parfois, tu ramènes chez toi des gens qui ajoutent encore plus d'obscurité à l'obscurité, et ils rendent l'obscurité tellement dense que tu pourrais la prendre dans ta main, la serrer fort, et la faire couler.

Mais, le temps passant, l'amoureux chronique transforme à nouveau la personne censée être l'objet de son en amour en rayon de lumière, dans ces moments de désespoir, quand on a besoin de compagnie humaine.

Aucun être n'éclaire la vie d'un autre, c'est comme ça et me faites pas chier.

Tout ça c'est des mensonges, parce qu'on a peur de crever tout seul.

On invente tous des rayons de lumière qu'on attribue à des personnes vulgaires et dégoûtantes, incapables de penser à autre chose qu'à elles-mêmes, et presque toujours il s'agit d'hommes et de femmes impitoyables tellement ils sont bêtes, impitoyables sans intention de l'être.

Quand je parle de ça, en général, je me retrouve tout seul : il y a ceux qui vont aux toilettes et ne reviennent jamais, ou ceux qui tout à coup se rappellent qu'ils avaient un rendez-vous ou un truc à faire avec leurs gosses.

C'est pareil quand, dans les moments de fragilité, on fait confiance à des inconnus.

Ils me répugnent, ces gens tellement en manque d'affection qu'ils se livrent au premier inconnu qui passe et qu'ils en arrivent même à trahir leurs proches.

Ils tombent sur un inconnu qui se la joue sympa dans un bar et ils lui racontent des choses de leur vie qu'ils ne devraient jamais raconter à un étranger, et puis ils l'invitent à dormir chez eux, ils l'autorisent à donner son avis sur des questions privées, et ils finissent pas lui confier le numéro de leur compte en banque.

Pourtant nul n'est censé ignorer que, pendant les quatorze ou seize premières heures, tout le monde est charmant, sauf qu'au bout d'un moment le soufflé finit par retomber.

Ensuite, les voilà qui se moquent quand ils lisent dans la presse des histoires d'arnaques niveau maternelle. J'arrive pas à croire qu'on ait pu arnaquer quelqu'un avec un truc aussi évident, ils disent. Alors qu'ils viennent de déballer leur vie au premier connard croisé dans un bar.

Je préfère avoir affaire au salaud qui m'a fait chier toute ma vie qu'au premier inconnu qui un soir, bourré ou camé, veut se faire passer pour un type honnête et sympa, cultivé, intéressant.

Mieux vaut être affligé par la malveillance familière plutôt que de découvrir de nouvelles malveillances et en crever de rage ou d'angoisse.

Je suis justement en train de lire un livre qui parle de ça. Il s'intitule : Je préfère que ce soit Goya qui m'empêche de fermer l'oeil, plutôt que n'importe quel enfoiré.

samedi 14 novembre 2009

Come on baby put out my fire.


* J'ai reçu ce matin la lettre où tu m'écris
De prendre soin de moi et je t'en remercie

Que tu vas me reviendre et tout ça et qu'on s'aime

"Et arrose les fleurs une fois par semaine" *



C'est fini.
J'ai éteint l'incendie à coups de bombes lacrymogènes
qui ont consumé les derniers carburants
réduit mes dernières cendres à néant.

J'ai même arrêté de fumer.
Tout d'un coup, l'odeur des cigarettes est devenue insupportable
et leur goût sur mes lèvres était comme un cadavre.

Ca va.
Je crois que ça va.
J'ai encore quelques hoquets de toi, parfois
au détour d'une adresse, d'une rue ou d'un métro
d'un lit, d'un disque
au détour d'une commande au japonais d'en bas
quand le sushi saumon prend soudainement le goût de toi.

Je te promets
je te promets d'être sage
de vivre calmement ma vie sans plus jamais briser ma cage
de m'envelopper d'ennui
et d'attendre la fin
et ne plus escompter de trop grands lendemains.

Je te promets
je te promets de me résoudre
aux feux de paille sans coup de foudre
aux incendies mathématiques
au bonheur au rabais, aux tactiques
Je te promets de renoncer
de me laisser faire, d'être aimée
de me laisser toucher
et de céder ma place près de la gazinière.

Je te promets tout ça et tout ce que tu veux
mais ne m'étincelle plus
si tu as peur du feu et de son étendue

Tu as été ma dernière chance
Tu as été mon dernier don
Tu as été mon incinération.

[SPOILER] Kroum l'Ectoplasme


* Mais aujourd'hui, je ressens l'ivresse du voyage, la liberté et le dégoût de la réalité et du quotidien... Je sais que tu connais ça.
Gros, gros bisous.
Matthie *


TOUGATI - Kroum, je veux guérir, je veux guérir! Ce que j'ai connu jusqu'à présent, ça ne s'appelle pas vivre. Je me suis juste préparé, je n'ai fait que des projets, non, ça ne s'appelle pas vivre, ça ne s'appelle pas vivre. (tout bas) Plus je vais mal, plus je m'accroche à cette misérable existence. Comme une mouche à son tas d'ordures. Lamentable. (il pleure doucement) Qu'est-ce qu'on ne doit pas avaler avant de rendre l'âme! (un temps. Il s'arrête de pleurer) Et dehors? C'est le printemps? Evidemment! Si je suis à l'hôpital, comment est-ce que ça ne serait pas le printemps dehors?

KROUM - Il fait froid et gris. Un temps de chien.

TOUGATI - Arrête, je peux voir le soleil d'ici.

KROUM - Les nuages sont déjà en train de le couvrir.

TOUGATI - Le nombre de choses que je vais perdre si je meurs.

KROUM - Rien du tout.

TOUGATI - Oh, si, si!

KROUM - Tu ne perdras rien, Tougati, crois-moi? Regarde-nous, regarde notre vie, regarde tout ce temps que nous allons encore tirer - qu'est-ce que tu perds ?! Regarde notre quartier pourri. Nos femmes. Pense combien nous peinons pour gagner de l'argent, pour obtenir un petit quelque chose en plus ; pense à nos minables existences, qui manquent tellement de charme, de beauté, d'amour, oui, cet amour qu'on ne nous a pas appris à prendre même quand il nous est donné ; tu oublies toutes nos vaines agitations, nos quêtes interminables dans la nuit, nos éternelles hésitations - qu'est-ce que tu perds ?! Mais qu'est-ce que tu perds, Tougati ?!

TOUGATI - (sa voix se fait de plus en plus faible) Je perds, je perds...

KROUM - (commence à se recroqueviller. Shkitt l'imite) Regarde-nous, Tougati, voilà ce que tu perds! Voilà! Ce visage! Ce dos! Ces genoux! Ces ultimes soubresauts sur terre avant de nous retrouver en dessous! (Kroum et Shkitt continue à se replier sur eux-mêmes. Soudain, Tougati commence lui aussi à se mettre en boule, comme s'il participait au jeu de ses amis, qui, eux, en réaction, se recroquevillent encore plus. D'un coup, Tougati se fige, inerte. Kroum et Shkitt s'arrêtent un instant, tentent encore un ou deux mouvements pour l'encourager, mais il ne réagit pas) Tougati? (un temps) Tougati, tu piges? Tu piges? (un temps) Tougati?

Arrivent en trombe Schibeugen et l'infirmière. Le médecin se penche sur Tougati, se redresse, lui recouvre le visage du drap et se tourne vers Kroum.

KROUM - (comme s'il se défendait) Ne me dites pas que... (il tente de se dérober) Ne me dites pas que...

SCHIBEUGEN - Il est mort. (Kroum s'arrête) Il est mort, il est passé du ressort de la médecine à celui du néant. Cet homme n'est plus rien. Les années où il a grandi, la nourriture qu'il a ingurgitée, les livres qu'il a lus, les médicaments qu'il a avalés, les rêves que son cerveau a tramés, la somme de travail et d'argent dépensés par ceux qui lui ont ouvert la voie, tout, tout cet investissement vient d'être réduit à néant. Et s'il a laissé quelque chose, ça aussi, c'est perdu.

KROUM - Il nous a quand même fait un peu rire.

SCHIBEUGEN - Rire? C'est ça, riez, vous ne perdez rien pour attendre! Vous aussi, vous sombrerez dans le néant.

Entre un infirmier, qui ressort avec le lit de Tougati. L'infirmière le suit. Schibeuge s'apprête à sortir.

KROUM - Docteur. (Schibeugen s'arrête) Excusez-moi, mais vous parlez comme un croque-mot. Vous êtes médecin. Vous devez laisser un espoir, peut-être pas aux morts, mais au moins aux vivants.

SCHIBEUGEN - C'est juste. Il vous reste un petit espoir.

KROUM - Vous voyez.

SCHIBEUGEN - L'épuisement.

KROUM - L'épuisement?

SCHIBEUGEN - Oui. C'est le petit espoir qui vous reste. L'épuisement. Ce qui vous guérira, en fin de compte, ce sera une incommensurable lassitude. Vous vieillirez, vous vous étiolerez, et avec la faiblesse viendra le repos. Certes, vous n'aurez pas la force de vous réjouir, mais pas celle non plus de crier, de protester ou de souffrir. Une douce sérénité vous enveloppera. Vous serez calme, calme, juste un petit moignon de vie déchue, repliée sur elle-même et bien ordonnée. Une épaisse couche de cendres recouvrira vos amours passées, présentes, inachevées, inaccessibles, et qui, de toute façon, vous auront renvoyés à votre solitude. Ensuite, doucement, très doucement, sans sursaut ni amertume, vous commencerez un jour à agoniser. Plus rien ne vous intéressera, ni l'agitation ambiante, ni Dieu, ni l'espoir, ni le sens à donner à votre vie. Il vous restera juste assez de force pour tourner vers l'avenir un regard fermé, un regard qui lui aussi se brouillera peu à peu. Jusqu'à ce que vous mouriez. Oui, misez sur l'épuisement.

jeudi 29 octobre 2009

Ha si j'étais un homme...

* J'ai même pas vu que t'étais mal
Que ta peau était pire que pâle

T'avais plus faim, t'étais que dalle

Que tu flottais dans le canal *


J'étais accoudé au bar et je la regardais. Elle dansait au milieu de la piste en souriant. Robe courte. Noire. Sexy. Cheveux collés sur le front. Bouche... pulpeuse. Elle dansait en souriant, les yeux fermés, faisait des grands gestes avec les bras, des gestes comme des lianes. Elle dansait sans écouter la musique. C'est la première chose que je me suis dite.

Quand elle a ouvert les yeux, ses pupilles m'ont crucifié, moi, là, au bar accoudé, accroché au formica comme un insecte. Des pupilles comme des flèches qui m'avaient choisi alors que j'avais rien demandé. Et sur ses lèvres, plus de sourire. Un pincement, une crispation, acérée sur sa ligne de mire. Elle est sortie de la foule, je le jure, sans toucher personne, sans que qui que ce soit s'en aperçoive, elle est sortie de la foule et je suis sûr que la musique s'est arrêtée. En tout cas pour moi, en tout cas pour nous. Elle s'est approchée trop près, beaucoup trop près.

Quelques mots.
"C'est un vertige. Mon corps est un vertige."

Et elle a disparu. Le temps d'un clignement de paupière. La musique a repris son rythme et elle sa danse, comme s'il n'y avait rien eu d'autre que mon imagination.

Mais je la regardais et j'ai bien vu qu'elle ne dansait plus.
Non.
Elle se débattait.
Elle étouffait.
Moi, je la regardais. Et je n'ai rien fait.

Il parait que le reste s'est passé très vite. Une décharge électrique et un nerf qui claque. Une étincelle. Elle a pris feu et elle s'est consumée au milieu des danseurs qui ne la regardaient pas.

Moi, je regardais.
Et je n'ai rien fait.
Si ce n'est disperser ses cendres en les foulant au pied au milieu de la piste de danse.

mardi 27 octobre 2009

Une semaine de rêve.


Je suis frigorifiée.
Je tire sur la corde depuis que tes yeux ont largué leurs amarres dans les miens.
Je tire sur la corde mais y'a rien qui vient.


Je me laisse aller à deux heures du matin, trois coups dans le nez et des cadavres sur les mains, je me laisse aller dans mon lit glacé, jonché de papiers dans mes draps rigides où l'écho ne sonne plus que dans le vide dans l'échographie de mon cerveau en vrille je laisse tout aller je ne sais plus manger, des riens ou des trop, je me laisse aller sur mon parquet salis par les pieds dénudés d'amants déjà partis, je me laisse aller dans mes nuits d'insomnie, poudre blanche aux yeux à faire fuir ceux que je voudrais aimer du mieux que je peux, je me laisse aller dans une détresse trop forte, trop plein de mots qui grondent derrière la porte à faire trembler les murs et moi de peur, je me laisse aller, je me laisse descendre, sur mon oreiller inondé d'encre où je passe mes nuits à hurler dans mes mains pour que tu me sortes de là, que tu arrêtes tout ça, pour que tu reviennes me dire que je suis belle et que ça ne veut rien dire d'autre que ça, que tu m'attrapes par les poignets et me fige face au ciel, pour que j'y crois, pour que plus jamais je me laisse aller dans mon appartement dévasté à m'écrouler du canapé et sentir des bosses sur mon front, je me laisse aller à tous vous dégoûter pour que vous me foutiez la paix, je me laisse aller à mon exode mental, à mes souvenirs qui valent bien plus que ma vie trop normale, je me laisse aller jusqu'à vous répugner, jusqu'à vivre seule avec vos fantômes. J'y trouve mon compte et c'est ce que je voudrais : simplement me laisser aller.

lundi 26 octobre 2009

2 ans déjà


And still wireless.
And stil no breathing.



samedi 24 octobre 2009

Dialogue du siècle

Chez L.

5h23


- Tu dors?

- Non.

- Tu penses à quoi?

- A dormir.

(silence)

5h37


- Et là, tu penses à quoi?

- Un ballon d'hélium. A ton avis, si un ballon d'hélium trop gonflé explosait, je serais quoi? Le ballon ou l'hélium?

vendredi 23 octobre 2009

Le Bonheur - Denis Robert


Un de mes amis, Ernesto, pense que ce qui unit avant tout un homme et une femme est la complémentarité entre nos organes de reproduction. Ernesto pense sérieusement que l'amour est une loterie biologique. Sa théorie rabâchée des dizaines de fois est obscène. Tu as déjà vu des couples mal assortis, une grande avec un tout petit, une belle avec une moche, comment expliques-tu ce phénomène? Selon Ernesto, Dieu aurait imaginé six ou sept milliards d'individus à prises mâle et femelle. Seule une infime proportion de sexe serait complémentaire. Cela ne tiendrait pas à la taille ou à la profondeur, ni au mouvement. Cela tiendrait à autre chose. Un phénomène chimique. Une magie hormonale. Une histoire de veine, de chaleur sanguine, d'humidification, de creux et de bosses. Ernesto parle de "capillarité".

Il dit aussi que le bonheur parfait dans un couple ne peut exister que par le sexe :

- On baise des dizaines de femmes dans une vie, et réciproquement. Comment expliques-tu que l'amour marche mieux avec certaines que d'autres? Ce n'est pas qu'une question de mental. Le sexe domine. On voit que tu n'as jamais connu ça, sinon tu ne parlerais pas comme tu parles. Tu intellectualises trop. Laisse-toi aller...

Jusqu'à ma rencontre avec toi, je trouvais ce genre de conversation stérile. Et Ernesto un peu débile.

lundi 19 octobre 2009

Portrait n°4



Quand Jules m'a quittée, je lui ai dit que ce n'était pas grave. J'étais triste, bien sûr, un peu triste à l'idée de devoir réorganiser ma vie que je trouvais plutôt bien ficelée. C'est tout. Ce n'était pas insurmontable.

Tout au long de notre relation, je m'étais bien gardée de lui dire que j'avais besoin de lui, jamais la faiblesse de dire que je tenais à lui. Les courses, je les portais toujours seule, même quand l'ascenseur était en panne. Juste pour lui faire comprendre que nos vies étaient séparées, qu'il n'aille pas croire que je serais comme ces femmes qui vivent à travers leur homme, accrochées à leur homme, qu'il n'aurait jamais ce pouvoir sur moi, jamais il ne pourrait disposer de moi, jamais acquise, au grand jamais aplatie. J'étais son égale, aussi forte que lui, aussi équilibrée avec lui que sans lui. Au fond, je m'arrangeais pour qu'il n'ait pas de place dans ma vie ; pour qu'il n'y entre jamais. Pour garder sous contrôle.

Son départ a été doux. Je me suis dit que je me retrouvais juste un peu plus seule qu'avant, et c'est tout.

Mes habitudes n'ont pas vraiment changé. Je pensais à lui, parfois. En montant les étages avec mes courses à bout de bras. Je m'arrêtais parfois au cinquième en me disant que mon indépendance n'avait plus beaucoup de sens, s'il n'y avait personne, là-haut, pour me dire "Tu aurais du m'appeler", personne à dire qu'on n'a pas besoin de lui.

J'ai tenu trois mois.

Un matin, je suis sortie acheter de la confiture de groseille. Je suis remontée dans mon appartement. J'ai essayé de l'ouvrir. Je n'y arrive jamais ; cette fois encore, ça n'a pas loupé. Alors j'ai pris un couteau à bout rond pour soulever le couvercle.

C'est là que j'ai craqué.

En même temps que le "pop" du pot.

J'ai lâché mon couteau avant de me l'enfoncer dans le ventre.

La vie, ce n'est pas ça.
La vie, ce n'est pas ça.
Ce n'est pas devoir utiliser un couteau à bout rond pour ouvrir un pot de confiture tout seul.

J'ai pris mon sac.
Je suis partie.
Toujours pas revenue.
Le pot de confiture doit toujours être ouvert dans ma cuisine.
J'imagine qu'il est pourri.
J'imagine les mouches, dessus.

Je n'ai pas retrouvé Jules.
En fait, je ne l'ai pas cherché.
J'erre seulement, de place en place, en espérant un jour apprendre à être dépendante.

lundi 12 octobre 2009

Portrait n°3


Je suis une fille qui marque pas.

J'explique tout de suite, avant qu'il y ait des malentendus. Le rouge à lèvre, par exemple, ben ça tient pas sur moi. J'ai beau étaler, des couches et des couches de couleur sur mon visage, ça disparait. Je marque pas. Mais bon, s'il n'y avait que ça. Je ne vous parle pas du mascara, du fard à paupière, le blush laissez-moi rire, rien, rien, rien sur ma peau.

Et les bleus, c'est pareil. On peut se dire que c'est pratique, esthétique, fantastique, on peut se dire que ça permet de cogner aux coins de la vie sans avoir peur puisqu'il n'y aura pas de traces. Sauf que je suis une fille qui marque pas, pas une fille qui ressent rien. Du coup j'ai mal, mais ça se voit pas. Et si ça ne se voit pas, comment voulez-vous que votre maman comprenne que vous êtes tombé pour de vrai, que c'est pas des manières si vous pleurez, comment voulez-vous qu'on vous console? Comment-voulez-vous qu'on prenne soin de vous si c'est pas marqué sur votre peau que vous en avez besoin? Comment voulez-vous qu'on fasse attention sans signalisation, sans panneau comme on voit sur les routes, des grands signes pour qu'on ralentisse et qu'on regarde? Comment voulez-vous qu'on arrête de vous frapper si votre corps fait croire qu'il peut encore?

Moi, j'ai toujours dit : si Dieu a voulu qu'on ait des bleus quand on reçoit des coups, c'est pas pour faire joli. C'est pour dire qu'il est temps d'arrêter.

Pendant longtemps, j'ai voulu forcer ma peau à se colorer. J'ai gribouillé mes bras, mes jambes, avec des stylos, des feutres, des marqueurs. Des tatouages, aussi. Vous imaginez pas combien de tatouages j'ai, en vrai. Bien plus que tout ceux des membres d'un club de motards réunis, je suis sûre.

Tout ça n'a rien donné, rien de rien, alors j'ai corsé l'affaire. Je me suis cognée sur des meubles, sur des murs, sur des poteaux, sur des abribus. Dans la rue, dès que je croisais quelque chose qui pouvait faire l'affaire, je fonçais dedans en faisant croire que j'avais pas bien les yeux en face des trous. Ca m'a valu des pommes mais toujours pas de bleus. Alors je me suis cognée aux gens. Dès qu'il y avait une bagarre, une mêlée, j'en étais, je me jetais dedans tête la première, dans l'entremêlement des corps, des coups de poing, des coups de pied. Je provoquais les pires brutes pour qu'elles me frappent plus fort, je trainais autour des stades, dans les pubs glauques, dans tous les coupe gorges de la ville, dans tous les coins louches. Je ressortais parfois ensanglantée mais toujours du sang des autres.

Alors j'ai supplié pour qu'on me morde, pour qu'on me griffe, pour qu'on me roue de coups, pour qu'on me blesse, pour qu'on me tue. Toujours plus, toujours plus fort pour être cabossée dehors comme dedans. Je comprenais pas cette peau qui voulait rien savoir, qui continuait à être vierge quand j'étais toujours plus sale.

J'avais pas pris les choses par le bon bout, faut croire.

Un jour, un garçon m'a embrassée, juste là, dans le cou. Et mon cou a bleui. Et tout mon corps a bleui. A fleuri. Des bleus, des bleus de partout, et puis toute l'encre que je m'étais griffonnée est remontée et ça a coulé, coulé, coulé comme ça pendant des jours et des jours, des fleuves d'encre qui gouttait de ma peau toute bleue. C'est là qu'on a compris que c'était pas que je marquais pas mais que j'absorbais tout. J'aurais pu en absorber encore longtemps, des coups.

Ma peau est redevenue normale quand elle a tout évacué. Mais aujourd'hui encore, à chaque baiser de ce garçon, un bleu éclot à l'endroit où ses lèvres se posent. Et je chéris ces bleus comme on chérit la vie quand elle est en couleur.


Theres was a boy / A very strange enchanted boy / They said he wandered very far, very far, over land and sea / A little shy / And sad of eye / But very wise was he / And then one day / A magic day he passed my way / And while we spoke of many things, fools and kings / This he said to me / The greatest thing / You'll ever learn / Is just to love and be loved in return

mardi 6 octobre 2009

On vous souhaite tout le malheur du monde, lalalala la la la la

Je préfèrerais que tu me blesses
que tu me laisses à moitié morte, claquer la gueule ouverte
Je préfèrerais que l'on s'insulte
qu'on se jette à la tête des tonnes de trucs
finir dans un bain de sang
dans les ordures lancées à la figure

Je préfèrerais qu'on se déteste
que tu préfères que j'disparaisse
Je préfèrerais que tu me fuies
remplacer par le dégoût l'envie
Je préfèrerais que tu aies peur
de me trouver à chaque erreur
Je préfèrerais toujours te voir
mais devenir ton pire cauchemar
Je préfèrerais cette fois avoir
toutes les raisons de t'en vouloir
Je préfèrerais que tu me cognes
plutôt que tu t'en cognes toi
Je préfèrerais être une conne
qu'une fille vaguement passée par là
Je préfèrerais avoir subi
les pires du pire des saloperies
Je préfèrerais être pourrie
être à présent ton ennemie
Je préfèrerais que tu ais peur
être synonyme de malheur
Je préfèrerais te détester
piétiner ta sérénité
Je préfèrerais te haïr
pour ta souffrance en ligne de mire
oeuvrer chaque jour à te détruire
au lieu de t'éviter le pire

Je préfère et de loin la haine
à ces lambeaux d'amour qui restent
à ces vieux déchets de tendresse
à la lie qui m'enlise dans des lits sans adresse

Je préfère et de loin la haine
qui elle au moins signifierait
que tu ne m'oublierais jamais.

dimanche 27 septembre 2009

Portrait n°2

J'ai plutôt bien réussi ma vie. J'ai gravi les échelons de promotion en promotion, en comptant exclusivement sur mes capacités et ma force de caractère. Je n'ai pas honte de la manière dont je suis arrivée là où j'en suis. Je n'ai pas honte de cette toute puissance. Je l'ai méritée. Ce n'est pas donné à tout le monde. C'est quand je regarde la vue depuis la baie vitrée de mon bureau, le matin, que je me sens la plus forte. Je domine. Dans l'immeuble, je suis celle qui est la plus proche du ciel.

Je parle peu, surtout aux femmes. Mes collègues me trouvent froide. Mais j'ai appris à ne compter que sur moi-même et qu'il fallait considérer les autres comme un moyen d'accès au plaisir et au pouvoir. J'ai appris que ce ne sont pas les personnes qui importent, mais la nature des relations que l'on peu créer avec elles. Les réseaux sociaux sont un vaste marché sur lequel il faut savoir négocier, marchander, entuber, pour un accès privilégié à la baie vitrée.

J'observe beaucoup ceux qui m'entourent. Les femmes surtout. Elles me fascinent, je les méprise. Leur manège, leurs attitudes, leur hypocrisie, leur charme vendu à tout prix. Je me demande si elles y croient vraiment ou si elles savent pertinemment que leurs ridicules minauderies ne sont que des entourloupes pour mieux parvenir à leurs fins. Je les méprise, je les admire, elles me fascinent. Elles sont si naturelles dans leur fausseté.

Mes collègues me trouvent froide. Pourtant, je brûle constamment.

Je laisse parfois ma voiture au garage, pour prendre le métro. Je choisis les lignes les plus fréquentées, les heures de pointe. La 13 à dix huit heures. Ou la 4. Je monte dans les wagons bondés. Accrochée aux barres, je m'enivre des odeurs, masculines, féminines, humaines. Coincée entre ces gens, ma main se colle aux autres sur le métal moite. Je sens des corps qui me touchent, qui me pressent, des bras sur mes cuisses et sur mes fesses, un genou sur ma jambe, un sexe dans mon dos. Je regarde les bouches, m'imagine leurs histoires, les imagine sur moi, dans mon cou, sur mes seins, j'imagine des étreintes, j'imagine des orgies avec ces inconnus, dans les wagons blindés de la ligne 13, assis, debout, couchés, accrochés aux sièges, aux barreaux, buée sur les fenêtres, chaleur étouffante et sueur animale. Quand le métro s'arrête à chaque station, la pression est plus forte. Je jouis.

Je parle peu, surtout aux femmes. On peut me trouver froide. Mais je brule constamment.

Portrait n°1

Cette semaine, j'ai repris le sport. J'y vais tous les jours, un grand gymnase rempli de jolies filles. Pendant une heure, je sue, je saute tout ce que je peux, jusqu'à devenir collante et luisante. Dans les vestiaires, je mets du temps pour m'habiller. Je regarde en coin toutes ces silhouettes qui m'entourent. J'observe discrètement leur peau blanche, leur seins tendus, leurs hanches qui se balancent entre les douches et les bancs, impudiques, sûres, charmantes. Je détaille leurs cuisses fines, leur ventre doux, soyeux, leur profile harmonieux, rassurant, leur démarche gracile, j'écoute leurs rires de fille. Je regarde ; je compare. Elles sont belles et j'ai honte. Alors je cache chaque partie de mon corps, je me contorsionne pour qu'on ne me voit pas et je me recroqueville dans mon jogging.

En rentrant chez moi, j'ai mangé tout le paquet de pain de mie. En une fois, en entier. Une tranche après l'autre. Sans rien dessus. J'aime ça, le pain de mie. C'est doux, c'est mou. Pâteux. Je mange d'abord la croute, du bout des dents. Travail d'orfèvre. Puis je replie le reste en quatre et je l'écrase autant que je peux pour former un petit carré de mie compact. Quand je le mets dans ma bouche, ça fait de la bouillie, de la bouillie qui coule gluante au fond de ma gorge, tapisse mon estomac de plus en plus, le blinde, le gonfle d'une substance déjà régurgitée. Ma peau se distend, mes flancs épaississent à mesure que le paquet passe. Je repense aux corps des femmes dans le gymnase. J'avale une autre tranche.

Un jour, je mangerai encore plus de paquets. Cinq ou six peut-être. Sept, huit, neuf, jusqu'à ce que je m'écroule. Je descendrai les tranches, méthodiquement, une par une, jusqu'à ce que mon ventre trop lourd flanche, que je m'enfonce à même le sol. Je m'allongerai, je ne pourrai plus bouger, la tête levée, sentant mon ventre se gondoler. On me retrouvera, tripes débordantes et déballées et quand on me demandera pourquoi, je répondrai : "Parce que j'étais trop affamée. Parce qu'il fallait nourrir mon bébé mort."

samedi 26 septembre 2009

Citation

"L'appétit d'écrire enveloppe un refus de vivre."

Jean Paul Sartre - Les Mots

mercredi 23 septembre 2009

Freestyle en trois minutes

Top départ........

Me respecte pas, me respecte pas
parce que moi j'le fais pas
j'me roule en boule, boule dans le boue
j'roule dans l'essence et dans l'alcool qui m'brûle pour plus de jouissance

Me respecte pas, me respecte pas
parce que moi j'le fais pas
en tout cas j'le fais plus
depuis qu'tu m'as perdue, depuis qu'ma tête sur tes g'noux s'est pendue

Moi j'en veux pas d'ce respect là
qui clôt ta bouche
qui clôt tes bras
j'dégringolerai toujours plus bas
plus dégueulasse tu verras pas
pour que tu reviennes me tirer d'là

Pas ma veine
ton venin dans ma verve
qui contamine ma dignité
qui me pousse à tout cracher tout dégueuler
sur le trottoir crade et glacé
je marche je marche
jusqu'à c'que la fumée sorte de mes pieds
une pute prête à consumer
tu s'ras mon mac
tu s'ras ma came
filée sous le manteau derrière nos mascarades

Me respecte pas, me respecte pas
parce que je le supporte pas
j'vois rouge comme mes ongles qui s'accrochent à ton ombre
j'traine plus les pieds
je traine mon corps
au pied du tien qui tient encore

Me respecte pas si c'est pour dire
qu't'as vraiment trop d'respect pour moi
Me respecte pas si c'est comme ça
parce que c'est dans l'formol qu'on s'noie

Me protège pas d'ton irrespect
moi j'suis une fille bonne à toucher
bonne à palper, à désirer
certainement pas à respecter
certainement pas si c'est comme ça
si respect va de paire avec le fait de manquer d'air
si être digne c'est être sans toi
moi j'en veux pas
moi j'en veux pas

STOP - trois minutes

mardi 22 septembre 2009

Se résoudre aux adieux - Philippe Besson

"Allez, assez des mensonges, assez des minables arrangements avec la vérité! Il y a ceci que j'ai fini par comprendre (ou plutôt par admettre tellement ça crevait les yeux), une évidence qui n'est pas à mon honneur, une réalité médiocre et indiscutable : cette écriture supposée t'être destinée, être tournée uniquement vers toi, dédiée, réduite à toi seul, n'avoir d'autre objet que de t'atteindre, oui, cette écriture-là, censément dépouillée de toute volonté autre, n'est évidemment qu'un acte profondément égoïste. Je sais bien, et depuis le début, qu'elle n'est que pour moi, cette écriture, que j'en suis l'émettrice et la destinataire, qu'elle va de moi à moi. Peu importe qu'elle soit sinueuse, qu'elle emprunte des chemins détournés, elle revient à son point de départ ; s'est-elle même départie de son immobilité? Mais n'est-ce pas là le lot de toute écriture? On n'écrit jamais pour les autres, jamais. On n'écrit que pour soi. On prétend dialoguer mais tout n'est que soliloques.

Les lieux eux-mêmes ne sont rien ; les voyages, les exils. Ils sont une simple diversion. Ils créent l'illusion du mouvement, le mirage d'une volonté, mais, quoi qu'on fasse, on demeure enraciné et cet enracinement est au chagrin. Même dans l'éloignement, on reste accroché à un point fixe et ce point fixe, c'est la détresse. Le changement de décor ne change rien. Puisqu'à la fin, ce qu'on regarde n'est pas au-dehors mais au-dedans.

Pardon, pardon pour le désordre de ma pensée. Voilà qu'après ce brusque accès de lucidité méchante, je souhaite revenir au terme étrange, employé tout à l'heure : "couple". Non, nous n'étions pas cela, cet attelage. Des couples, il y en avait tout à l'heure au wagon-restaurant. Je les ai vus. Certains se tenaient la main, ils célébraient peut-être quelque chose, le voyage en Orient-Express, c'était peut-être un cadeau, une ancienne promesse. D'autres ne se parlaient pas, sans que je puisse déterminer s'ils communiquaient ou s'ils s'ennuyaient. Je crois beaucoup à l'ennui dans les couples. D'autres enfin échangeaient des banalités : ils m'ont paru les plus intéressants. Les conversations ordinaires soudent, elles sont un ciment, ce n'est pas haïssable. Nous n'étions rien de tout cela, ou alors alternativement, ou encore par éclipses. Je ne prétends pas que nous étions meilleurs, je fais simplement remarquer que nous ne savions pas être comme eux, cela me plaisait, cela nous a condamnés.

Un couple, c'est exactement ce que tu as réussi à constituer avec Claire. Une chose ronde et rassurante, une pierre polie. Ne le nie pas.
Mais je persiste à ne pas envier cette existence-là. Et, quand la douleur de vous imaginer enlacés tous les deux m'assaille, il me suffit de penser à cette existence-là et la douleur se dissipe.
Oui, tu as bien lu : quelquefois, je songe à vos étreintes, je connais ton corps par coeur et je sais sa silhouette à elle, cela n'exige pas tellement d'imagination, je vois vos peaux se toucher, vos mains s'affoler, vos bouches se prendre, j'entends vos gémissements, vos efforts, cela me fait mal, tu ne peux pas savoir et alors j'ai ce truc infaillible : me rappeler que le prix à payer est cette existence-là, dont je n'aurais pas voulu. Ce n'est pas du dépit, c'est une certitude, une des seules qui me reste, alors ça passe, les images s'estompent, elles sont remplacées par d'autres où il ne manque que les grains de riz au sortir de l'église ou encore un landau qu'on pousse dans des parcs dominicaux, celles-là me font horreur.

Je dois être honnête : le truc n'est pas infaillible. Ou plus précisément il n'annule par la douleur, se contentant de la tenir en respect, un peu. Je pourrais dire aussi : il la transforme en élancement. Tu sais, le genre d'élancement qu'on ressent après les coupures qu'on se fait au doigt avec une feuille de papier, oui, parfois, on met de l'ordre à un paquet, on rassemble les feuilles; le doigt glisse sur la tranche, et on se taillade, ça n'a l'air de rien au début, ça brûle un peu, on porte le doigt à sa bouche, on avale la goutte de sang qui perle, on peste contre sa propre maladresse, on se dit : ce n'est rien, mais le lendemain, une petite cicatrice est ouverte, elle nous chauffe, chaque fois qu'on pose le doigt sur un objet, un stylo, la coupure se rappelle à nous, elle peut même finir par nous obséder, eh bien, là, c'est pareil."

mardi 15 septembre 2009

Naissance d'une groupie.

J'ai quatorze ans et j'ai enfermé une tempête dans une boite en PVC.

Je suis assise à la table d'une grande cuisine que je connais par coeur. Il est minuit passé ; la campagne dort autour de moi. La pièce est froide ; je suis raide. Je n'ai pas le choix.

Mon visage ne trahit aucune émotion. J'ai pris la décision, quelques mois auparavant, de ne plus rien laisser paraitre, de m'adapter au bonheur des autres.

Ce soir, je suis seule, assise à la table de la cuisine et je respire difficilement. L'écran de télé sur ma droite flashe des images bleutées sur mon profile impassible. Je ne regarde pas. Plus rien ne m'atteint. Tout se cogne à ma coque en plastique.

C'est un exercice difficile. Ca a été long et douloureux de tout ramener, tout rassembler pour que plus rien ne dépasse. Comme les filaments blancs qui s'échappent des coquilles d'oeufs quand elles se cassent dans la casserole. Je récupère mes filaments et les bourre entre mes murs.

J'ai quatorze ans et mon visage est impassible.
Je n'ai pas pleuré depuis des mois. Ri encore moins. Tout se passe quelque part entre ma peau et mon corset. Ca gronde, parfois ça tremble. Mais au fur et à mesure, j'ai aussi appris à contrôler les soubresauts.

J'ai quatorze ans
... et puis trois notes.

Et puis trois notes et ça explose sans que j'aie bien compris pourquoi, sans que j'aie bien compris comment.
Sans maîtrise.
Mon corps condamné s'affaisse dans son étau
je m'écroule sur la table
mes joues se salent
mes joues se tendent
j'écris un mot sur un papier, un mot vu sur l'écran télé.

J'ai quatorze ans et la tempête m'a emportée
comme elle m'emporte ce soir au moment où je revis enfin, sans bien comprendre pourquoi, sans bien comprendre comment.
Sans maîtrise.

Et je revis comme ce soir là quand j'avais encore quatorze ans
en réalisant
que je suis encore capable de
sentir
que je suis bien
vivante.

Je n'ai jamais su expliquer pourquoi..

dimanche 13 septembre 2009

Uno


* You could have been number one
And you could have ruled the whole world
And we could have had so much fun
But you blew it away *

Y'a des jours comme ça où tout va pour le mieux
où tout va tellement bien que ça court dans mes sourires
ça grésille dans mon corps
ça sort par tous mes pores que ça va, cette fois ça va, c'est incroyable, incroyable comme ça va et que j'ai besoin de dire que ça va.

Je me suis levée sous le soleil, dans les étoiles de mon grand lit et ça se sentait déjà que cette journée serait de celle où tout est dans l'ordre, tout s'enchaine sans heurt, comme si on avait enduit toutes les minutes de gelée royale.

J'ai pris un english breakfast, des oeufs et du porridge, et mon café était bon. J'ai écouté de la musique, j'ai travaillé, j'ai lu un livre que j'ai vu chez toi, je me suis renversée sur mon canapé et j'ai ri, j'ai ri comme la dernière fois face au ciel, j'ai ri en voyant toutes les possibilités, toute ma liberté qui défonçait mon plafond, pulvérisait tout, j'ai ri de tout le poids qui s'envolait comme des plumes, j'ai ri de mon tsunami de liberté, j'ai ri parce que c'est rare de rire autant, tant que ça en devient douloureux, effrayant toute cette joie qui déferle d'on ne sait où, j'ai ri, j'ai ri à en pleurer.

Y'a des jours comme ça, j'ai trop d'amour pour moi toute seule, des jours où je voudrais courir dans la rue pour dire que je suis libre d'aimer qui je veux, monter sur les toits, surplomber la ville et lancer des marées de rires, des marées de soleil dans tous les recoins. Et ça fait mal à contenir, à restreindre, à garder, ça brule partout au dedans, ça force contre ma peau tant que j'ai peur d'exploser, peur de mourir de bonheur.

Y'a des jours comme ça que je voudrais te raconter.
Ce n'est pas quand je vais mal que tu me manques, pas quand je pleure ou que j'ai les cheveux gras, pas quand j'ai mal à déchirer les chairs. C'est pas quand j'ai besoin de toi que tu me manques le plus.
Non.
C'est là.
Dans ces moments d'exception, ces moments où je pourrais effacer tout ton gris, où je serais capable de tout, courir chez toi pour tout te dire, te raconter la beauté du monde et t'emmener courir avec moi, courir avec moi à l'autre bout du monde pour ne plus qu'on s'enlise, pour ne plus faire semblant d'aimer vivre comme ça, pour se saouler de toute cette vie-là qui m'est tombée dessus, pour la partager avec toi, pour tout te donner, te donner tout et te voir sourire en même temps que moi.

Y'a des jours comme ça où je voudrais sourire pour deux.

Alors je me dis
que c'est quand même un beau gâchis.

vendredi 11 septembre 2009

samedi 5 septembre 2009

Street stalker


* And I go out at six in the morning and start my search for you. If I've dreamt a message of a street or a pub or a station I go there. And I wait for you. *
Sarah Kane - 4.48 Psychosis

Les portes du métro s'ouvrent sur Miromesnil
je marche sur tes pas.
J'imagine frémissante ce que tu ressens chaque fois que tu es là
sur ce quai
harmonie / plénitude / bien être
Je me fonds dans ta peau et je sens ton sourire
la chaleur de ta paume sur la porte de sortie du métro.

Je marche sur tes pas, un pas sur chaque marche
Je plane entre ces magasins qui te sont familiers, plane comme tu planes quand ton reflet glisse sur les façades
Je vois ta silhouette comme incrustée dans les vitres
un fil d'Ariane au masculin
Il me suffit de
suivre ta trace sur le trottoir
suivre ta présence qui ne s'arrête pas
comme un fantôme sur les pavés de la rue de la Boétie.

Je marche sur tes pas au porche de l'immeuble
porte ouverte
le nom sur la boite aux lettres
mon coeur bat comme le tien
je transpire
regarde en haut
comme tu le fais à chaque fois
espère
comme toi autrefois
Je suis presque arrivée.

Je marche sur tes pas dans l'ascenseur
vois les étages défiler et confonds mon visage au tien.
Je me recoiffe.
J'ajuste mes vêtements.
Il fait
de plus en plus chaud.
Je pousse les battants en suffocant.

Je marche sur tes pas et me colle à sa porte.
Je sais qu'elle est là, derrière
je la sens vivre
harmonie / plénitude / bien-être
je la sans vivre dans mon manque.

Je marche sur tes pas
pour venir te dire au revoir
et laisse sur le paillasson mon amour propre et mon amour tout court.

mercredi 2 septembre 2009

Paul oh Paul, keep me in your closet...

Phrase du jour :

"Pour chaque passage de frontière, il y a un no man's land."

Alors maintenant ça va mieux.
Et ça va aller. Maintenant, ça va aller.

mardi 1 septembre 2009

Rétrospective (vieux truc)

Pour Paul.

J'ai cinq ans et des traces de dents sur les genoux.
Je viens de comprendre ce qu'est la mort. C'est une seule phrase : "Elle ne sera peut-être pas là, la semaine prochaine."J'ai cinq ans, et je comprends que je n'aurais jamais la certitude d'être là la semaine prochaine. Qu'il nous faudra tous continuer à prévoir / planifier / construire / sans savoir, que nous sommes si faibles qu'il suffit d'un rien pour que nous ne soyons plus là la semaine prochaine.

J'ai onze ans et je balance ma chambre contre le mur d'en face. J'attrape je lance j'attrape je lance j'attrape je lance. Le mur ne bouge pas. Sourd. Muet.
Et je me dis : si je suis seule face au mur, alors je ne serais sûrement plus là la semaine prochaine.

J'ai treize ans et mon corps fait un bond en arrière de trois siècles. Désintégré en poussière, je ne me suffis plus à tenir rassemblés tous les monceaux de cendres. Momie roulée sur le tapis, je suis muséifiée dans un sarcophage qui doit arrêter le temps. Et le temps s'arrête, dans mes os comme dans ma tête. Le temps s'arrête.
Et je me dis : si mon corps brûle et que je ne respire plus, alors je ne serais sûrement plus là la semaine prochaine.

J'ai quinze ans et je suis ouverte en deux sans qu'on m'ait demandé mon avis. Mes chairs pourrissent - ça vient de ce qu'on y a trifouillé là au dedans, d'une plaie purulente et invisible qui coule coule coule qui ne s'arrête plus de couler qui ne s'arrêtera jamais et continuera de me mouiller toujours. Le savon ne suffit plus à faire partir l'odeur. On me sent à des kilomètres : je dégoûte les gens et rends fous les vautours.
Et je me dis : si je suis déjà une charogne, alors je ne serais sûrement plus là la semaine prochaine.

J'ai seize ans et je coule tant que je finis par me noyer. On construit un radeau pour partir en hurlant, pour me figer sur place et fuir la contagion.
Et je me dis : si je suis incurable, alors je ne serais sûrement plus là la semaine prochaine.

J'ai dix-sept ans et je m'accroche au dos d'un homme que je ne quitterai jamais. Je regarde sa nuque mais c'est la mienne qui se brise en l'escaladant pour regarder de l'autre côté. Je dégringole et découvre que je ne serais jamais assez propre pour être retenue entre deux bras, qu'il faudra toujours des substituts pour combler le manque que je ne comble pas.
Et je me dis : si je ne peux pas suffire à l'homme que j'aime comme je n'aimerais jamais plus, alors je ne serais sûrement plus là la semaine prochaine.

J'ai vingt et un ans et je mords tout ce que je peux. Je mords le sable, je mords les fjords, je mords un ange, je mords la pluie, je mords des cigarettes, je mords la terre, je mords la pluie encore, je mords du plasma, je mords, je mords, je mords, tout ce qui bouge je mords, tout ce qui passe je mords. Et je finis par mordre le divan pour ne plus mordre à m'en casser les dents.
Et je me dis : s'il me faut déjà un dentier, alors je ne serais sûrement plus là la semaine prochaine.

J'ai vingt-deux ans et je suis foudroyée sur place. Ruisselante, édentée, colonne cassée, je courbe l'échine sous la tempête et vois de la peau partir en lambeaux.
Mais cette fois, je sais que je serai là la semaine prochaine.
Alors je mords mes genoux en attendant.
Alors je mords mes genoux.

jeudi 27 août 2009

In bed with Nana

Pour ceusses et celles qui souhaiteraient vivre en différé l'incroyable séjour de Jeannine, mon alter ego, à San Francisco, c'est maintenant possible grâce aux "résumés de Jeannine".

http://nanaswayoflife.blogspot.com/

Parce que "A post a day keeps the oblivion away", et que ça permet de prolonger les vacances.

jeudi 6 août 2009

Crise mystique


"Personne ne savait que Tante Mélie était en train de perdre la boule, que lorsque nous tournerions le coin de la rue elle fondrait en avant comme un renne, et mordrai un morceau de la lune. Arrivée au coin, elle fondit en avant comme un renne, et se mit à hurler : "La lune! La lune!" - et sur ces mots son âme rompit ses liens, et jaillit tout net hors du corps. Quatre vingt six millions de kilomètres à la minute! Là-haut, la-haut, vers la lune, et personne assez prompt de penser pour l'arrêter. Voilà comment ça arriva. Le temps d'un clignement d'étoiles."
Henri Miller - Le Tailleur


Henri Cartier Bresson est fort.

Je m'intéresse assez peu à la photographie : j'aime les regarder, apprécier leur côté esthétique ou les accrocher chez moi, mais elles me bouleversent rarement. L'image photographique reste une anecdote qui touche mon oeil mais pas le reste. Sans rentrer dans une analyse universitaire de vingt pages sur le sujet, je me contenterai de suivre la pensée de Francis Bacon lorsqu'il estime que la photographie, unidimensionnelle dans son essence même, ne saurait nous titiller au-delà de nos pupilles. Le système nerveux et la chair qui ressentent ne sont pas atteints.

Bref, voilà pour la caution intellectuelle ; je garderai le développement pour mon mémoire.

Toujours est-il que Henri Cartier Bresson est fort.
J'ai découvert un aspect de son oeuvre que je ne connaissais pas : les photographies "à la sauvette". Autrement dit, HCB - pour les intimes - ne compose pas : il n'arrange pas les personnages ou les éléments qu'il veut immortaliser. Il voit quelque chose et CLAC, il sort l'oiseau. Ou bien il attend des heures, l'oeil rivé sur son appareil, que quelque chose se passe. Et généralement, quelque chose se passe, quelque chose de magique. Ce quelque chose, ce peut être deux femmes en noir passant exactement sous deux sculptures de femmes en blanc, dans la même position, sur le fronton d'un bâtiment. Ce peut être un reflet étrange qui donne l'impression qu'une vue plongeante sur les arbres et en fait celle d'une mare. Ce peut être un homme endormi sous un dessin qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Le sourire d'un homme, le sourire d'une femme.

Ce que HCB photographie, c'est la magie du quotidien, la magie qui se trouve dans chaque instant et qu'il nous faut apprendre à voir. Ce n'est pas un tour de passe passe, HCB était juste là, à attendre que l'extraordinaire se manifeste. Et l'extraordinaire se manifeste constamment! Nous le verrions si nous n'étions pas étouffés par notre propre toute petite personne grisâtre, obnubilés par le bout de nos pied et le trou dans nos chaussettes. La merveille est là, le merveilleux est partout, dans toutes les compositions instinctives que prend la vie. HCP le dit mieux que moi : "C'est l'évènement par sa fonction propre qui provoque le rythme organique des formes." Un évènement se passe, et les conséquence, ou plutôt les preuves tangibles que cet évènement est là, présent, peuplent notre quotidien et le rendent plein de magie. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Il existe un ordre des choses, des pistes magiques qui nous emmènent où nous devons aller.

Je suis assise à une table du Starbucks de la rue de la Roquette, le même que le 20 juin dernier avec le même Caramel Macchiato. Ce qui a changé? La bande sonore : Like Jane de Rodriguez. Piqure de rappelle pour me dire que non, c'est loin d'être fini, que la magie est là mais qu'elle a sûrement été utilisée à mauvais escient. Mais elle et là ; et le film que je vais voir quelques jours plus tard me le confirme. Oui, la vie est bourrée de hasards merveilleux auxquels je dois croire. Il y a des choses que nous devons faire, des êtres que nous devons aimer et les signes nous le rappellent : c'est une évidence. J'ai quitté des hommes que j'aimais encore parce que tout me disait que nous ne pouvions plus vivre de cette façon, que tout avait été construit sur la voie que nous avions prise et qu'il n'y avait plus rien à faire. Qu'il fallait trouver une autre voie. D'autres m'ont quittée mais tout me dit que nous n'avons pas tout vécu. Que reste-t-il? Du beau? Du laid? Je ne sais pas mais c'est là la magie de notre monde, et c'est elle que je veux.

J'ai essayé de laisser tomber ces idées et de flirter avec le sol, de ne penser qu'en termes de réseaux sociaux équilibrés basés sur des trocs d'amour au rabais auxquels on se laisse aller par paresse, "tant que ça marche". C'est peut-être un mode de vie ; ça ne peut pas être le mien. Moi, je veux continuer à croire à la magie et ce n'est pas parce que tu n'avais pas la bonne potion que je dois cesser d'y croire. Je veux, moi aussi, saisir la magie à bras le corps et la savourer. Cette magie existera pour moi. La vraie. Pas les ersatz d'amoureux en strass et paillettes qui m'ont intoxiquée avec leurs plumes synthétiques.

Alors je saute sur le marche pied et je m'envole à nouveau loin du bitume. Je m'excuse, je m'excuse auprès de ceux qui tiennent vraiment à moi et qui s'inquiète de mon fonctionnement, de ne plus jamais me revoir. C'est un choix. Aux éraflures des cailloux, je préfère les gifles des airs.

Et puis zut, ça m'embêterait de mourir sans avoir prouvé que j'avais raison. Sans avoir eu ma part de magie. Ca m'embêterait de mourir sans avoir eu raison.

mercredi 29 juillet 2009

Ventre à terre


Il fallait une sacrée dose d'amour tout de même vous trouvez pas oui une sacrée dose d'amour pour un sacré miracle mais c'était naturel après tout évident je m'y attendais un amour comme ça ça pulvérise tout ça va au delà de la logique des hommes au-delà de la barrière des sciences qui veut brider la nature mais quand c'est l'amour qui parle quand c'est l'amour y'a plus d'hormones y'a plus de latex y'a plus que des corps qui se veulent au delà de tout des prises de têtes et des magouilles dégueulasse y'a que des corps qui s'aiment et nos corps se sont toujours aimés ça je l'ai toujours su malgré tout ce qu'il a pu dire nos corps se sont toujours aimés c'était évident naturel aimés partout tout le temps dans toutes les positions dans tous les recoins ce sont les corps qui parlent pas la tête et son corps voulait vivre en moi et mon corps voulait sa vie en lui et quand c'est le corps qui décide on n'y peut rien et c'est comme ça on n'y peut rien et c'est comme ça c'est comme ça c'était sûr parce que moi j'ai jamais aimé avec le cœur le cœur ça va ça vient moi j'aime avec le ventre et mon ventre il a toujours été affamé de lui à le réclamer toujours alors je mordais je mordais pour nourrir mon ventre qui voulait que lui et rien d'autre même le chocolat ça allait pas c'était sa peau à lui alors non je ne vois pas ce qu'il y a d'étonnant à ce que mon ventre ait voulu le retenir piquer un bout de lui pour le planter et le laisser me pulvériser le planter pour que ça grandisse là comme notre amour comme notre petite merveille qu'on aurait appelée je sais pas qu'on aurait appelée comme il aurait voulu Anna Lou Manon Léo Elsa Louise Théo Maxence Lucas Noémie Anouch Paul Cassandre Yann Mélina Arnaud Guillaume Pablo Sevan Nora qu'on aurait appelée à l'image de notre amour parce que comme notre amour on n'y croyait pas mais alors pas du tout et comme notre amour il est parti et il a emmené avec lui notre petit Annaloumanonléoelsalouisethéomaxencelucasnoémieanouchpaulcassandreyannmélinaarnaudguillaumepablosevannora il a tiré le fil et il est parti alors la merveille aussi elle n'a pas tenu comme notre amour qu'il a emporté parti avec la vie la vie de la merveille parti par là où il était rentré et notre petit Annaloumanonléoelsalouisethéomaxencelucasnoémieanouchpaulcassandreyannmélinaarnaudguillaumepablosevannora au fond des toilettes comme une petite boule qui flotte un bouchon qui m'a débouchée là au milieu du Canard WC notre amour de chair à la chasse que c'est encore moi qui dois tirer la chasse que c'est moi qui dois chasser la merveille dans les canalisations et dire adieu et merde adieu et merde en silence adieu et merde dans la cuvette adieu et merde c'était peut-être un peu trop beau.

mercredi 22 juillet 2009

La femme sans sexe Pt.3 : Ni homme, ni femme, nitroglycerine.


* Macho macho man *


Tu as fait de moi une femme.
Je veux que tu l'oublies.
Tu m'as rendue belle et douce et tendre.
Je veux que tu l'oublies.
Tu m'as rendue faible.
Ca n'arrivera plus.

Je veux que tu oublies que j'ai été capable
de sourire de rire de toucher d'abandonner d'attendre capable d'admirer capable de croire capable de laisser faire capable d'être aveugle.

Je veux que tu oublies
que tu ne gardes de moi que l'image la plus laide la plus dégueulasse
l'image la plus mâle.

Je veux qu'il ne te reste
que le dégoût et l'amertume d'avoir baisé un homme
que des crachats et des souvenirs foulés
que gâchis et erreur de parcours
que ruines

pour barbouiller d'immonde tout ce qui a été
pour qu'il n'y ait plus de traces des anciennes cités d'or.

Alors
je coups mes cheveux je coupe ma parole je coupe la conversation je coupe ma peau je coupe ma faim je coupe mon envie je coupe mon téléphone je coupe mes écrans plasma je coupe la dignité je coupe le chauffage je coupe l'aération je coupe l'ascenseur je coupe les fils je coupe le souffle je coupe je tranche je coupe je tranche à coups de dent s'il le faut à coups de sang avec mes ongles avec mes lames avec tout ce que j'ai je coupe je tranche je coupe je tranche je coupe les ponts

entre moi et ma féminité
entre moi et ma mémoire
entre moi et moi.

vendredi 17 juillet 2009

Vingt quatre heures de la vie d'une femme.

"Et je sens de nouveau avec effroi quelle substance faible, misérable et lâche doit être ce que nous appelons, avec emphase, l'âme, l'esprit, le sentiment, la douleur, puisque tout cela, même à son plus haut paroxysme, est incapable de briser complètement le corps qui souffre, la chair torturée - puisque malgré tout le sang continue du battre et que l'on survit à de telles heures, au lieu de mourir et de s'abattre comme un arbre touché par la foudre."

Stefan Zweig


Maintenant, j'ai appris la laideur.

Et je deviens laide
c'est pire
pire que tout ce que j'ai pu voir
pire que tout ce que j'ai pu voir
ne me faites plus croire
que
ça vaut
quelque chose
ne me faites plus croire
qu'il faut tenir
pour toucher le meilleur
ne me faites plus croire
que nous en sortirons un jour.

Nous sommes tous des monstres.
Nous sommes tous des monstres.

Nécrophages.

Une bouilloire électrique
ça ne se met pas dans du papier bulle
ça ne se met pas sur une étagère
ça ne se met pas dans un écrin
ça ne s'offre pas
ça n'est pas esthétique
ça n'est pas sentimental
ça n'est pas lié à des souvenirs
ça n'est pas intéressant
ça n'est pas indispensable
ça n'est pas inoubliable
ça n'est pas irremplaçable
ça n'est pas marquant
ça n'est pas respectable
ça ne satisfait pas.

Une bouilloire électrique
c'est juste pratique quand on a besoin de se faire cuire un oeuf.

mercredi 15 juillet 2009

La femme sans sexe Pt.2 : La femme au foyer


Je pense que si j'attends comme ça sans bouger d'un poil
j'arriverai à ralentir le temps
les secondes deviendront des minutes
les minutes des heures
et les heures des après-midi entières à t'attendre au milieu de tes affaires
à t'imaginer dans une autre sphère que je ne connais pas
moi qui appartiens à un autre temps
un temps d'abandon entre quatre murs blancs où les vêtements sont prohibés
où tu quittes ta veste dès le seuil franchi.

J'aime t'attendre là au milieu du lit défait
les yeux au plafond
imaginant
ce que tu me feras
quand tu rentreras
imaginant
ce que tu fais
pendant que j'imagine tes doigts sur moi.

Je passerais ma vie entière à t'attendre là
hors du monde
cachée
n'appartenant qu'à toi
n'attendant que toi des jours et des jours durant
je me couperais du monde
ne serais qu'un fantôme pour tout ceux qui m'ont connue
sauf pour toi
toi
qui me réveilleras chaque soir
d'un coup de langue
d'un coup de lèvre.

Je n'arrive plus à rien faire d'autre qu'à
t'attendre.

Je crois que
tu réveilles mes gênes de femme au foyer
je crois que
redevenant une femme je redeviens soumise.

Nobody sees tears when you're standing in the storm.


"Lorsque mon âme et mon corps ne seront plus d'accord
Que sur un seul point : la rupture"


Je cours toujours un pied devant l'autre
avec du sang entre les dents
avec les ongles dans les paumes
avec le souffle dans les tempes

Je cours toujours sans m'arrêter
jusqu'à ce que l'alchimie de mon corps
me fasse oublier que je cours
que la douleur dépasse l'effort

Je cours
pour l'anesthésie progressive

Je cours toujours contre le temps
parce que je ne guérirai pas
parce que la bête est incrustée
parce que c'est elle qui restera

Je cours contre les aménagements
contre les solutions en toc
contre les faux sourires et les breloques
qui chassent le mal(e) mais ne le tuent pas

Je cours pour pas prendre soin de moi
je cours pour pas voir le chemin
je cours pour provoquer la fin
pour pas qu'elle parte plus loin

Je cours
pour l'anesthésie progressive

Je cours comme un oiseau face au vent
supporté contre la tempête
je cours pour l'immobilité
contre le temps et ses arrêtes

Je cours contre le mouvement
en provoquant des tourbillons
des rires, des semblants d'intention
des attitudes pour l'altitude

Je cours pour surtout pas tomber
je cours pour surtout pas crever
je cours pour surtout pas m'crasher
tout en bas à six pieds sous terre
où l'anesthésie ne suffit plus
à faire oublier les dents des vers.

("En fait, c'est assez simple. J'ai eu l'idée en courant. Quand tu cours, les premiers temps sont difficiles, douloureux. Et petit à petit, ton corps accepte le rythme et tu oublies le mal. C'est les hormones, je crois. Ou l'hyperventilation. Enfin tu vois le truc. J'appelle ça : la technique de l'anesthésie progressive. Aujourd'hui, je sais que je ne guérirai pas. Il y aura toujours des traitements, des aménagements, des arrangements, du bricolage, des solutions toc à durée de vie limitée, mais la bête noire, elle, ne disparaitra jamais. Elle est définitivement là, ancrée dans toute ma chair. Alors plutôt que de prendre soin de moi, je soigne le mal par le mal. J'applique la technique de l'anesthésie progressive. Ne jamais s'arrêter, appuyer toujours plus fort là où il y a un problème, jusqu'à ce que le seuil de tolérance soit dépassé. Alors hormones ou hyperventilation et tu ne te rends plus compte de rien. As-tu déjà observé les mouettes dans la tempête? Elles se mettent face au vent et se laissent porter. Elles sont immobiles, elles n'avance pas, ne reculent pas / mortes \. L'idée n'est pas forcément d'être en mouvement. Mais qu'il y ait en tout cas suffisamment de tourbillons pour rester en altitude. Tant qu'il y a du vent, tout va bien. Mais quand ça s'arrête? C'est quand ça s'arrête que la chute est dure et on n'est jamais assez anesthésié pour supporter un crash à mille mètres du sol. Alors en attendant, je vais reprendre un verre en même temps que ma course pour pas que le vent retombe.")

lundi 13 juillet 2009

Blagounette


"Quand on s'est rencontrés, j'aurais mieux fait de me casser une jambe.
Sauf que j'avais déjà la jambe cassée et que ça ne m'a pas empêchée de te tomber dessus et de foncer dans le mur."

Boris Vian is my homeboy

2 poèmes

Je voudrais pas crever

Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un côté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un monde d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me ferait de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plait
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algue
Sur le sale ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...

***

Un de plus

Un de plus
Un sans raison
Mais puisque les autres
Se posent les questions des autres
Que faire d'autre
Que d'écrire, comme les autres
Et d'hésiter
De répéter
Et de chercher
De pas trouver
De s'emmerder
Et de se dire ça sert à rien
Il vaudrait mieux gagner sa vie
Mais ma vie, je l'ai, moi, ma vie
J'ai pas besoin de la gagner
C'est pas un problème du tout
La seule chose qui en soit pas un
C'est tout le reste, les problèmes
Mais ils sont tous déjà posés
Ils se sont tous interrogés
Sur tous les plus petits sujets
Alors moi qu'est-ce qui me reste
Ils ont pris tous les mots commodes
Les beaux mots à faire du verbe
Les écumants, les chauds, les gros
Les cieux, les astres, les lanternes
Et ces brutes molles de vagues
Ragent rongent les rochers rouges
C'est plein de ténèbres et de cris
C'est plein de sang et plein de sexe
Plein de ventouses et de rubis
Alors moi qu'est-ce qui me reste
Faut-il me demander sans bruit
Et sans écrire et sans dormir
Faut-il que je cherche pour moi
Sans le dire, même au concierge
Au nain qui court sous mon plancher
Au papaouteur dans ma poche
Ni au curé de mon tiroir
Faut-il que je me sonde
Tout seul sans une soeur tourière
Qui vous empoigne la quéquette
Et vous larde comme un gendarme
D'une lance à la vaseline
Faut-il faut-il que je me fourre
Une tige dans les naseaux
Contre une urémie de cerveau
Et que je voie couler mes mots
Ils se sont tous interrogés
Je n'ai plus droit à la parole
Ils ont pris tous les beaux luisants
Ils sont tous installés là-haut
Où c'est la place des poètes
Avec des lyres à pédale
Avec des lyres à vapeur
Avec des lyres à huit socs
Et des Pégases à réacteurs
J'ai pas le plus petit sujet
J'ai plus que les mots les plus plats
Tous les mots cons tous les mollets
J'ai plus que me moi le la les
J'ai plus que du dont qui quoi qu'est-ce
Qu'est, elle et lui, qu'eux nous vous ni
Comment voulez-vous que je fasse
Un poème avec ces mots-là?
Eh ben tant pis j'en ferai pas.

mardi 30 juin 2009

La femme sans sexe Pt.1 : Je suis un homme.


Un jour, j'ai décidé de devenir un homme.
Je ne sais plus bien comment c'est arrivé ni pourquoi, mais finalement - quoi de plus naturel en somme?

D'abord, les garçons, c'est beau et ça a toujours plein de potes. Et en plus, c'est fort, ça n'a jamais peur de rien et ça n'a jamais besoin de personne tellement ils sont costauds. Les garçons, ça n'a jamais mal, c'est tout en muscles au dedans comme au dehors, et rien que de les regarder, ça se voit qu'ils ont un mental musclé. Moi, avec ma petite peau de fille, j'arrêtais pas de me cogner partout, de m'égratigner à chaque coin de rue, et mes yeux de fille n'encaissaient jamais le coup. Avec ma peau de fille, j'avais toujours des bleus qui disparaissaient pas, alors que je rêvais au contraire de d'avoir une peau d'homme toute couturée de cicatrices qui raconteraient mes aventures, une peau burinée, comme les cow boys, des batailles et des coups durs qui m'auraient toute balafrée mais dont je me serais remise toutes plaies fermées, avec juste une petite trace qui chuchoterait des mystères. Alors j'ai décidé de devenir un homme pour faire tout comme les hommes - et ne plus avoir à m'épiler, aussi.

C'est dur de devenir un homme à cent pour cent, en fait. J'ai trouvé tous les accessoires, tous les costumes, de la bande de copains à l'Aqua di Gio, des pintes de bière aux blagues graveleuses, les aventures sans douleur et les cicatrices dont on rigole. Ma peau de fille, elle, je l'ai enfermée très loin, et avec mes copains justement, on rigolait des pleurs qu'elle faisait, quelque part là-bas derrière mes os. Les filles, c'est nul, ça pleure tout le temps. C'est des chochottes et puis elles ont peut de tout. On est mieux entre mecs, pas vrai les gars?

Et puis j'ai rencontré quelqu'un - un homme justement. Et pas homo pour deux sous. Il a tout chamboulé mon identité sexuelle. Parce qu'avec lui, je n'ai pas envie de boire des pintes, de lui taper sur l'épaule ou de draguer dans les bars. Lui, j'aime pas quand il me parle de fille ou de ses cicatrices mystère. Avec lui, je voudrais avoir la peau et les mots doux, et pas les coincoin de canard qu'on ressort tout le temps en faisant des clin d'oeil à la bande. Lui, je voudrais lui cuisiner des gaufres et repasser ses chemises, pleurer sur son épaule en regardant des films nuls, l'admirer et le présenter à mes copines, et lui faire des crises de jalousie quand elles s'approchent trop près, et être chiante comme une fille, et avoir des réactions inexplicables comme une fille, et lui dire que je ne veux pas qu'il s'en aille parce que je tiens à lui, et ne plus avoir honte de mes sentiments mielleux de fille, et ne plus avoir honte d'être une fille, et ne plus avoir honte de dire que j'ai besoin de lui et de ses muscles d'homme parce que j'ai peur, toujours très peur que ma peau de fille se déchire. Avec lui, je voudrais redevenir une fille, pour qu'il m'aime comme une fille.

Mais j'ai pas les couilles pour ça.

mercredi 24 juin 2009

C'est les soldes.

- pas encore de photo -


* future scène d'un futur projet qui n'existera jamais. *



- Tu avais quelle veste quand on s'est rencontrés?

- Pardon?

- Tu avais quelle veste?
Je me souviens de
ton jean
ta chemise
ta ceinture
mais ta veste pas moyen.
Tu avais laquelle?

- Je ne me souviens pas.

- Comment ça? Tu ne te souviens pas?

Je me souviens de
ma jupe
je ne l'ai pas repassée depuis que tu l'as froissée
j'aime ses plis
les plis de ton corps sur elle.
Je me souviens de
mon t-shirt
qui porte encore ton odeur malgré les lessives
les adoucissants
ton parfum est incrusté dans chacune de ses fibres
à moins que ce ne soit de moi dont je parle
en moi que tu es incrusté.

Comment peux-tu ne pas te souvenir de la veste que tu portais?

- Ce n'est pas si important que ça, si?

- Bien sûr que c'est important, c'est même ce qui compte le plus. Si tu ne te souviens pas de la veste que tu portais, en quoi est-elle différente des autres vestes que tu as mises? Pourquoi serait-elle exceptionnelle, unique? et la musique qui passait? et les rues dans lesquelles nous avons marché? et les mots que tu m'as dits, les regards que tu as eus, les sourires que tu m'as tendus? la couleur du ciel? l'odeur du matin? le menu au restaurant? Si tu ne te souviens pas de la veste que tu portais, comment je peux croire que c'était une exception, que je ne fais pas partie d'une galerie d'autres vestes, d'autres musiques, d'autres rues, d'autres mots, d'autres regards, d'autres sourires, galerie de couleurs qu'on ne remarque plus, galerie de nourriture qu'on ne savoure plus - j'avais mangé un crumble, je n'ai jamais pu laver l'assiette. Je portais du gris et du vert, tu te souviens? Mais toi? Comment je peux croire que je suis une exception dans ta vie si même ta veste, si même ta veste tu ne t'en souviens pas, si elle n'est pas devenue suffisamment spéciale ce jour-là pour mériter une place dans le musée de ta mémoire? Comment je peux croire que tu tiens à moi si tu ne te souviens pas de quelle veste tu portais?
Allez
s'il te plait
dis-moi quelle veste tu portais ce jour-là.

- Je ne me souviens pas.

dimanche 21 juin 2009

Cryogénie


Sur le coin d'une table
entre un Caramel Macchiato, un muffin chocolat / noisettes et des valises
[sous les yeux]


Le soleil est parti en me laissant dans la nuit
une nuit de 365 jours.

Je ne suis pas assez couverte

[nerfs à vif
peau à vif
et nerfs à fleur de peau]

Je ne suis pas assez couverte
et moi
dans les courants d'air
j'attrape toujours froid.

Le soleil est reparti en soufflant derrière lui
et là
au milieu de mes
365 jours d'ennui
j'ai froid
j'ai froid
j'ai
...

j'ai comme des
stalactites dans la bouche
stalagmites dans le ventre
et la glace s'entasse de plus en plus autour de moi.
Elle monte sur mes pieds
mes chevilles
mes jambes
mes cuisses
glace dans la gorge
glace au coeur
glace en tête
glace

je ne suis plus que

glace

et la glace enfin
gèle la crécelle dans mon thorax
et la glace enfin
gèle la crécelle dans mon thorax

Je ne crisse plus
[les palettes sont bloquées]
les appels à l'amour sont éternués
et ma crécelle cesse de tourner.

La glace
tue les microbes
je n'ai plus la lèpre
et ma crécelle se tait
je n'ai plus la lèpre
et mes cris se taisent
je ne
dis
plus rien
je ne
sens
plus rien
je ne suis plus que
glace

ils ont
crié au génie
et
cryogénisé
ma vie
par le même coup

et la glace enfin
gèle la crécelle dans mon thorax
et la glace enfin
gèle la crécelle dans mon thorax.

lundi 15 juin 2009

Ce n'est rien

(c) S@nd


Ce n'est rien
ce n'est
franchement pas grand chose.
Il s'agit simplement de trouver le déclic
l'impulsion
l'impulsion de vie.
Il s'agit
vraiment
d'un tout petit rien.
Se redresser sans avoir peur
lever la tête
fièrement
regarder sans plus aucune crainte cette vie dans les yeux
et lui cracher à la gueule.
Alors
ce sera
l'apaisement
alors
tout ira mieux
car plus rien n'aura d'importance
car plus rien ne me fera peur.

Ce n'est rien
plus rien ne m'entravera
et j'irai droit de l'avant
je foncera à travers temps
et je défoncerai les murs
et je défoncerai le ciel
pour un peu plus de clarté
pour un peu plus de lumière.

Ce n'est rien
il suffit maintenant de
se lancer
y aller
ce n'est vraiment rien, après tout
ce n'est que
sept étages.