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mercredi 10 août 2016

Mirage vaisselle



Je plonge mes mains dans l'eau translucide, direct dans le sable blanc. Des grains roulent entre mes doigts ; les vagues viennent se coucher sur mon ventre, y créent des remous qui montent, qui descendent, qui montent, qui descendent. Le soleil tape sur mon visage, détend ma peau à force de caresses brûlantes. Je sais que si je tends la main, je peux effleurer des coraux, des coquillages. Je pourrais presque cueillir un de ces poissons multicolores qui poussent en bouquet dans ces eaux de fin du monde. Je sais que sous la surface transparente de l'eau se trouve le lieu de tous les possibles, de toutes les magies. Tous les chemins mènent au rivage, dit-on, mais celui sur lequel je suis assise me convient très bien.

Je ne te vois pas. Tu es quelque part derrière moi, pas besoin de me retourner, de lever les yeux, je le sais très bien. Tu marches sur la plage, si lentement, si doucement que tu ne fais pas un bruit. Ou bien un bruit si fin, si infime que le son de l'océan qui m'emplit les tympans en continu le recouvre. Mais il y a ta présence comme un coup de soleil qu'aucun bruit, qu'aucune odeur ne peux recouvrir. Tu es là, derrière moi, et l'infini ne me fait pas peur.

Je plonge mes mains dans l'eau qui écume et j'attrape une assiette. Je rajoute machinalement du liquide vaisselle sur l'éponge et je la nettoie en regardant le mur érigé devant moi. Des grains de riz s'accrochent sur la faïence et je les gratte avec mes ongles. Mes mains s'ouvrent un peu trop brusquement, et le bruit de la vaisselle qui tombe sur l'inox me réveille une seconde, le temps d'une vague de sanglots qui fait tressaillir mon ventre, qui monte, qui descend, qui monte, qui descend. Un rayon de soleil traverse la vitre et me frappe en plein sur la joue gauche. Comme après une gifle, mon visage chauffe.

Je plonge mes mains dans l'eau. Un verre me glisse entre les doigts et puis se brise sur le rebord. Goutte à goutte, le sang coule et se mélange à la mousse, circonvolutions rougeâtres comme un cerveau qui se désagrège dans du détergent. Mon petit paradis s'est entaché d'hémoglobine et de bouts de verre, tranchant tous les possibles qu'il y avait sous l'eau, lacérant notre avenir déjà ridé, laissé mou juste à côté du trou d'évacuation. A moins que ce ne soit qu'un bout de tomate cuite.

Je ne te vois pas, ce qui est bien normal puisque tu n'es plus là. Une fois le robinet éteint, je n'entends plus le bruit de la mer mais un silence qui me répète ce couperet absurde : tu n'es plus là, tu n'es plus là, tu n'es plus là. Ma joue a chaud, mon dos a froid. Mon horizon se résume à cet écran télé où la vie toute aussi désespérante d'autres personnes s'affichent, scénarisées, musicalisées, commentées. La boite à rêve me vend ma vie avec de la musique qui tache et je me dis que le jour où les images de cette boite ont commencé à imiter notre quotidien, on aurait du se douter que quelque chose allait foirer, qu'on allait tous finir par crever l'écran et finir direct la tête dans le mur derrière le meuble télé. J'essuie ma vaisselle. Cette autre femme en miroir a l'air de beaucoup plus s'éclater devant son évier à elle.

Mais j'ai ouvert les yeux et il y a dans mon regard les eaux de fin du monde, et la femme s'y noie sans que je n'y fasse rien. Elle s'agite et se meurt au fond de l'océan turquoise qui pulse dans ma mémoire. Je ne veux pas la laisser faire. Pas de cadavre dans mon Eden.

Alors j'en prends un (cachet). Et deux.
Cette réalité se dissout dans un bain de chimie. Je monte doucement l'échelle des molécules qui m'amène dans le cosmos. C'est là que je t'ai couché. Tu dors recroquevillé sur le plateau de la Grande Ourse, tes deux poings encore serrés tout près de ton visage. Tu es là, apaisé enfin, et je sais que tu m'attends.

Dans trois cachets, comme tous les soirs, je serai couchée près de toi à respirer ta peau, à passer sur tes bras mes doigts.   
Dans trois cachets, comme tous les soirs, je serai revenue là, des mois et des mois en arrière.

Mais voilà.
Je ne viendrai plus te rejoindre dans le cosmos.
Parce que la boite est vide, déjà.
Et puis aussi parce que...
Les mains dans la mousse, j'ai vu.
Ma mer de fin du monde est là, au creux de moi. En fermant les yeux pour m'y plonger dedans, je sais que je peux y retrouver le sel qui donne un goût à mes réveils, pendant que toi, dans le cosmos, tu dors, tu dors, tu dors, et que je me tape toute la vaisselle.

jeudi 15 janvier 2015

Ssssssssshhhhhhhhhhhhhh


* I used to be able to cry but now I am beyond tears *
Sarah Kane - 4.48 Psychosis


Chaque semaine
allongée face à la porte
derrière le scellé d’une scène de crime
elle remet l’horreur en mots.

Assise sur une pile de corps pénétrés
elle clame à qui l’écoute que
-l’amour est un tour de passe-passe hormonal pour favoriser la reproduction et ainsi assurer la survie de la race
-l’amitié est un lien nécessaire qui rassemble les individus au sein d’un groupe pour se protéger des prédateurs
-et qu’au-delà de tous ces liens factices et d’arrangements pour couvrir ses arrières
il n’y a que le silence.

Ses ancêtres pourrissent dans le sol
leur indicible douleur
est le terreau de ce silence
et des principes de précaution qu’on lui dicte et qu’elle suit à la lettre.

Chaque semaine avec ses mots
elle tente de tisser des liens conjugués au passé
elle les accroche aux poignets des anciens pour en faire des pantins
et transformer leurs ombres en un théâtre avec lequel elle est autorisée à jouer
en famille, surtout.

« Le matin, quand je me lève »
dit-elle
« mon visage est gris, comme si je mourrais pendant la nuit. Je crois que je vais les rejoindre. Je crois que tous les matins, ils me renvoient chez les presque vivants pour accomplir je ne sais quelle tache. Il faut du temps et puis beaucoup d’eau chaude pour que ma peau se recolore. »

Parfois aussi,
elle sort en secret
pousse la porte, détache le scellé
se faufile au dehors, malgré les avertissements
parfois s’approche doucement, sans bruit
se fond dans la foule
pour harponner ici ou là
un cœur ou deux
deux corps ou trois
qui ramènent de la vie dans sa tête infertile.
Elle pose une main sur une épaule
et de ses pattes araignées tombe un minuscule fil de soi
dont elle se fait un cocon accroché à un autre
alors
chaque geste de l’autre resserre l’étreinte
chaque mouvement l’étouffe un peu plus
chaque mot est un couperet tranchant
son pauvre fil de soi minable

« Tes mots, mon amour, me donnent envie de vomir »
dit-elle en rentrant dans son antre.

Et puis du dessous de la tombe dont elle a fait son trône
ricanent ses ancêtres
« On te l’avait bien dit »
disent-ils
« On te l’avait bien dit que nous serions toujours les seuls à te rester fidèles. »





mercredi 31 décembre 2014

Iatrogénèse (part. 2)


* Cause there's this tune I found that makes me think of you somehow and I play it on repeat *


(elle fait tourner son briquet entre ses doigts. son regard fuit en presque larmes vers un recoin derrière ma tête. elle avale une bouchée d’air.)

Je n’ai plus vraiment le choix tu sais. Je ne vois pas très bien comment je pourrais faire autrement. J’ai bien essayé d’anesthésier au Valium, de désinfecter au whisky, de cautériser avec des cigarettes, mais ça aussi, il parait que c’est poison. Alors autant utiliser cette chanson comme un vaccin pour t’expurger de mon groupe sanguin. C’est moins nocif.

(et dans le fond, toujours la même musique qui tourne autour de sa tête. les mêmes croches pendent à ses yeux, qu’elle baisse vers son verre.)

C’est le choc anaphylactique qui a été le vrai problème. Anaphylactique. C’est un peu long comme mot, mais il faut bien ça pour décrire l’enchainement des événements. Ce choc là, c’est quand ton corps réagit trop fort. Tu ne peux pas t’y attendre, ça se passe en une fraction de battement de cils. Tu te crois blindé, résistant, tu te découvres hypersensible, et tous tes signaux s’affolent. Et là, tu vois, ça n’avait l’air de rien, mais toi, tu as été l’allergène de trop.  

Un choc anaphylactique, c'est une réaction allergique exacerbée. Pour se défendre contre un corps étranger, le tien – de corps – a un mécanisme de défense qui finalement te met en danger. Comme quoi, c’est pas toujours si bien foutu tout ça. Ton cœur est sur le point de craquer, alors ton organisme te balance une grosse décharge d’hormones pour contracter tes artères et relancer une machine qui s’est glacée d’effroi, pour que le sang continue au moins à approvisionner tes organes vitaux. Cœur, cerveau, poumons. Selon lui, tu n’as besoin de rien d’autre.

(et puis aussi tes mains.)

Le truc débile, c’est que si cette décharge d’hormones est mal dosée…

(mal dosée, tu es sûre ?
ses yeux se plantent dans ma rétine.)

… ou s’il y en a trop, je ne sais plus.
Disons que si l’afflux de sang vers les organes est trop fort, alors c’est l’effondrement. Le collapsus. C’est ton cœur qui t’envoie te faire foutre parce qu’il ne gère plus la pression, et la pression dégringole. Il se rabat sur lui-même, muscle creux et mou, il ne te sert plus à rien et te laisse gérer les conséquences.

(un sourire bizarre.
il y a de la buée sur les fenêtres.)

Dans ces cas-là, il faut :
- chercher l’hémorragie
- allonger la victime
- la rassurer
- la couvrir

(une rasade de whisky.)

Je trouve ça doux comme réponse à un tel choc.

(mais je ne l’ai pas fait avec toi.)

Non. 
Mais moi, je me suis posée une voie veineuse directement reliée à la tireuse pour faire remonter la pression.
Mais ça,
je t’ai dit déjà.
Il parait que c’est poison.

(press play again.
un sourire, moins bizarre, un vrai je crois.)

Tu sais comment ça marche un vaccin ? Tu prends les agents infectieux contre lesquels tu veux te défendre et tu les multiplies jusqu’à ce qu’ils mutent et perdent leur caractère pathogène, leur dangerosité, jusqu’à ce qu’ils ne te fassent plus rien. Et puis, tu te les injectes pour que tes lymphocytes B mémoire s'habituent à leur présence et impriment bien que si cet agent là revient, il faudra rester calme et repousser l’invasion.

(press play again. nuage de fumée.)

J’ai écouté cette chanson tellement de fois qu’elle finira bien par ne plus rien me faire. Et j’ai pensé tellement de fois à toi que tu finiras bien par me déplaire. J’y travaille, en tout cas, à développer des anticorps contre le tien.

(et si ça ne marche pas ? si tu ne peux pas te débarrasser de moi ?
un rire.)

Quand je n’en pourrai plus de toi, je m’aspergerai de ton parfum et j’y foutrai le feu. C’est comme ça qu’on endigue une épidémie. 

jeudi 4 décembre 2014

Iatrogénèse (part.1)


Je n'avais pas besoin de ça
de cette image dans ma tête, collée derrière mon front
je n'avais pas besoin
surtout
de toutes ses réflexions.
J'étais bien je crois avant de rentrer dans le palais des glaces.
Alors
toutes les nuits
je pulvérise l'image avec un shoot dans les étoiles
des fragments de toi s'éparpillent dans mon plasma
et sur les fils de mon système nerveux central se dessine la voix lactée.
Les ions chlorure d'abord inversent mes couleurs en négatif
des paysages en noir et blanc s'étalent à perte de vue dans mon cerveau
et puis soudain
c'est l'explosion
un court-circuit vers ton regard et je suis
polarisée
c'est ça
hyper
polarisée même
vers ton visage en fissuré qui me fixe au-delà du trou noir.
Les flocons d'imidazopyridine freezent mes canaux sodiques
et je n'ai plus
aucun
potentiel d'action
si ce n'est ce qu'ils appellent une
"extraversion désinhibée dans les contacts sociaux et interpersonnels"
c'est plutôt ironique tu ne trouves pas ?
pour quelqu'un de gelé.

Tout ça pour dire
tout ça
Il parait qu'à force de la pulvériser, la mémoire finit par disparaitre.
Ca me ferait bien rire.
Je suis curieuse de voir si on peut effacer mille ans d'histoire en inhibant des récepteurs GABBA.

vendredi 28 novembre 2014

Je t'ai écrit des chrysanthèmes.



- Bonjour.

Je t'ai acheté des chrysanthèmes.

C'est un peu con, non ?

Ça fait longtemps que nous ne nous sommes pas vus, très longtemps, et voilà que je débarque avec des chrysanthèmes. Je suis venue... pour te raconter mon histoire. Il parait qu'il faut le dire avec des fleurs, alors voilà. Je suis venue te la raconter avec des fleurs.

Tu connais l'histoire des symboles floraux ?

C'est quelque chose de passionnant. Du temps de la peinture symbolique, une simple fleur pouvait dire des milliards de choses. La passiflore, par exemple : chacune de ses parties raconte une étape de la Passion du Christ.

- (...)

- Tu bailles. Tu t'en fous.

- (...)

- Moi, je ne sais pas bien quelle est la signification des chrysanthèmes, mais depuis toujours, elles m'accompagnent partout, elles me poursuivent. Ça fait trois mois maintenant que je suis partie. Je devais... me cacher, me dissoudre dans l'air. Disparaitre. Je sentais le monde entier se rétrécir autour de moi, j'avais les bords de la planète autour des bras qui m'enserraient, qui m'enserraient. Dans mes narines, dans mes poumons, du monoxyde de carbone et un plafond en guise de ciel. Je suis partie, peu importe où, peu importe comment, la destination est sans importance, ce qui compte, c'est la fuite. Et il fallait fuir, me vider de tout cet air là qui devenait nauséabond, percer des trous dans ma carcasse pour qu'elle s'aplatisse et s’affaisse. Et un trou, j'en ai percé un, un gigantesque : j'ai ouvert grand la bouche pour que ça sorte putain pour que ça sorte une bonne fois pour toute tout ce fiel, toute cette laideur. J'ai ouvert la bouche et j'ai crié, un long cri continu, d'abord petit, un peu comme un filet de bave, et puis de plus en plus grand, de plus en plus fort, et j'ai crié toutes dents dehors, bouche béante, j'ai crié sans m'arrêter et mon cri ressemblait parfois à un rire. Je ne pouvais plus m'arrêter, c'était comme si tout l'acide qui me rongeait l'édifice sans même m'en apercevoir, toute cette rancœur, tout ça, tout cet amas coulait en dehors de moi, comme si on me tirait tous les intestins, et c'est très long les intestins, on n'imagine pas, comme si on déroulait mes tripes, mes alvéoles, mon cerveau, tout sortait comme un long fil, une pelote qui se dépelote, un détricotage, enfin tu vois l'idée.

J'ai essayé de m'arrêter pour garder quelques mailles, un peu de réserve, quelque chose qui me ferait tenir debout, mais il n'y avait rien à faire. Je continuais à vomir mon filet de voix. Ça a duré, ça a duré des mois.

Alors j'ai pris un stylo et j'ai rajouté un "e" accent aigu. J'ai écrit, et ma voix s'est tue. La bille au bout de mes doigts à tout retricoté, mon filet de voix s'est transformé en lignes et puis des phrases sont nées. Je suis restée les yeux collé à mon papier, amarrant mes yeux à l'encre pour ne plus dériver. J'ai écrit, un long cri silencieux. J'ai écrit, et j'écrirai encore, le temps de tout reconstruire. Je n'utiliserai plus ma voix, je cède mes lèvres à mes mains, ma langue à mes ongles, mes cordes vocales à mon stylo.

C'est pour ça que je préfère ne rien te dire et te filer des chrysanthèmes. C'est tout ce que j'ai trouvé pour te faire comprendre d'un seul coup de paupière tout ce que je voulais te dire.

Je suis partie pour rien, et je suis là pour rien. Je suis une femme qui crie sans thème, qui trimbale sa douleur comme on trimbale sa vie.

T'as lu Electre ? Hé ben pareil.

Cette douleur là, je l'ai hurlée et je l'ai transformée en fleurs, en fleurs qui s'étalent là, de lignes en lignes, des fleurs que je dessine par pétale, lettre par lettre.

Je t'offre en silence mon bouquet de voix.
Je t'offre en silence mon testament.




lundi 24 novembre 2014

Lettre ouverte





C’est pas parti comme ça tu sais.

Quand je pense à tout le temps que tu as passé sous ma peau. Il a fallu quoi… des mois, des années avant que tout ce que tu avais mis en moi
disparaisse
ou pour que je me l’approprie remarque, je ne sais plus trop.
Il a fallu beaucoup de cris, allongée, debout, il a fallu beaucoup de silences aussi. Il a fallu tout ça, tous ces mois, toutes ces années, pour recomposer les fragments, pour remettre des verbes au milieu de mes phrases
des articulations
les introductions, ça n’a jamais vraiment été un problème
c’est plutôt dans les développements que je me prends les pieds dans le tapis
mais les conclusions, alors ça…
c’est pour ça qu’il a fallu du temps.

Alors non, c’est pas passé comme ça. Tu te tiens devant moi et il n’y a plus rien. Et c’est la première fois que je m’en rends compte, que je prends conscience de ce vide, qui n’est même pas un vide d’ailleurs, pas même une absence, pas un rien, juste un

J’en étais arrivée au point de croire que je vivrai toujours avec cette douleur.

J’avais peur de ça, tu vois, que quelque chose s’ouvre à nouveau. Que ça reviendrait à chaque fois comme un chuchotement, comme une crampe. Une cicatrice chéloïde qui tire quand on lève un bras. Tu te tiens devant moi et je cherche la boursoufflure de cette cicatrice. Mais elle n’est plus là. Elle n’est nulle part. Il n’y a plus rien à guérir.
Alors pourquoi
pourquoi
pourquoi putain
pourquoi est-ce que le noir dans ma tête, lui, est toujours là ?

dimanche 23 novembre 2014

Travaux en ruines.



Il y a des fissures sur mes murs
de la poussière sous le tapis
des fuites sur les tuyaux
je n’arrive pas à m’en débarrasser.
Et au premier tremblement de terre
ou plutôt
au premier tremblement tout court
tout s’envole.
Le plâtre tombe en poussière sur mes épaules
l’eau goutte au bout du robinet
des nuages de particules s’envolent et envahissent mon oxygène.
Mais tout ça
tout ce spectacle
est absolument
terriblement
beau.
Le plâtre devient flocon de neige
l’eau est un torrent glacé
le nuage m’enveloppe et me protège
et me soustrait aux yeux du monde.
Je contemple le désastre
et je ressens au fond de moi cette masse qui tremble
qui frissonne
qui éclate en une flamme glacée remontant dans mon dos
Je contemple le désastre
et puis soudain tout a un sens
et je souris
je souris à cette débâcle
et je l’embrasse
je m’accroche à elle comme à un corps flottant
Je contemple le désastre
et je l’aime, je l’aime tellement
que je laisse le bâtiment s’écrouler autour de moi
et peut-être bien
qu’il n’en restera
bientôt
plus rien.